Stéphane HOEBEN
Consultant indépendant
en Éducation et Ressources Humaines – 10/05/22
Dans nos dernières lectures, en lien avec le FLE ou le FLA, il est conseillé d’éviter « les étiquettes-mots » et de privilégier au minimum la phrase comme unité d’apprentissage car c’est avec le même bon sens que les enfants apprennent à parler. En effet, dès la naissance, les bébés entendent des phrases et non des mots isolés. (Voir un autre article à télécharger « Pourquoi éviter l’étude de listes de mots ? »)
Cependant, comme la pratique de l’étude de mots en orthographe et/ou en vocabulaire reste présente dans de nombreuses classes, voici quelques arguments qui expliquent pourquoi il est préférable d’écrire le plus souvent possible le déterminant ou le pronom devant le mot concerné.
- Dans certaines familles, on « aboie » des mots aux enfants alors que dans d’autres, les mots apparaissent presque toujours dans des phrases complexes. Au nom de la différenciation, il semble normal d’offrir une qualité supérieure aux enfants. Au grand minimum, il est correct d’écrire soit le déterminant, soit le pronom avec le mot.
- Le fait d’écrire un déterminant ou un pronom (un chien, le chien, une tulipe, la tulipe, les tulipes, je pars, elles sautent) permet aux enfants de découvrir qu’il y a un « blanc » (espace) entre les mots quand on écrit. Avec les mots écrits sans déterminant ou pronom, cette prise de conscience n’est pas favorisée. De fait, l’habitude de présenter en maternelles des noms propres (les prénoms), des chiffres, des couleurs… ne favorise pas le fait de constater que les mots sont séparés par des espaces.
- Le fait d’écrire le déterminant devant le nom permet aux enfants de se familiariser aux différentes natures de façon intuitive : il existe des mots qui sont accompagnés tandis que d’autres (prénom, chiffre…) sont présentés seuls.
- Le fait d’écrire le déterminant permet aux enfants de mémoriser le genre des mots. En effet, comme le genre des mots n’est pas un concept, on ne peut pas expliquer pourquoi, par exemple, le mot « sein » est un mot masculin tandis que le mot « jambe » est un mot féminin même pour un homme. Il faut donc l’apprendre par « imprégnation ». C’est d’autant plus pertinent que dans d’autres langues, des mots de la même signification ont un autre genre. Au Grand-Duché, on m’a déjà cité des mots : masculin en français, neutre en allemand et féminin en luxembourgeois.
- L’écriture de déterminants différents « le garçon, un garçon, des garçons, deux garçons » permet de se questionner sur la variabilité du nom et sur le sens de cette variabilité.
- Le fait d’écrire le pronom permet aux enfants de voir que certains mots sont précédés par « je, tu, nous… ». Ils bénéficient ainsi de la possibilité de se construire une grammaire intuitive sur la nature de verbe.
- L’écriture de pronoms différents (plutôt que de proposer des verbes à l’infinitif) « je joue, tu joues, elle joue, nous jouons… » permet de se questionner sur la variabilité du verbe et sur le sens de cette variabilité.
- Si, par hasard, un(e) enseignant(e) souhaite « jouer » à produire des phrases avec des étiquettes, c’est intéressant que l’enfant puisse parfois recouvrir le déterminant lorsqu’il utilise un adjectif qui précède le nom.
- Le
- à
- petit
- (un) garçon
- roule
- vélo
- Le Français Langue Étrangère et l’Éveil aux Langues ont permis de prendre conscience qu’il existe des langues où les déterminants sont absents. Face à une population multiculturelle, il est opportun d’offrir des éléments linguistiques complets afin d’éviter des transferts inappropriés d’une langue à l’autre.
Espérons que ces arguments permettent au moins un petit changement dans certaines classes et que les élèves soient ainsi un peu mieux « nourris » dans leur apprentissage.