Stéphane HOEBEN
Agitateur pédagogique
Consultant au Québec, en Suisse, au Luxembourg et en Belgique
Le bon sens est une faculté que l’on reconnaît généralement aux personnes qui n’ont pas nécessairement fait d’études mais qui agissent dans une forme d’évidence efficace… On pourrait donc se demander s’il est possible de rencontrer le « bon sens » dans les systèmes éducatifs puisque, de toute évidence, on n’y trouve que des personnes diplômées. Je vous propose quelques clés pour réfléchir…
Clé n°1 : Bon sens de l’auteur
Bien entendu, comme je connais trop peu le milieu éducatif valaisan, tous mes propos reposent sur mon expérience dans le milieu éducatif belge. Ne croyez donc pas que ce que je vais écrire vous concerne !
Clé n°2 : Les systèmes éducatifs ont-ils du bon sens ?
Parfois… Sans doute ! Toujours… Absolument pas !
Observez l’évolution des programmes scolaires : Chaque fois que l’on ajoute une discipline (une langue) ou qu’on modifie les programmes en ajoutant à chaque fois des compétences ou des savoirs, on ne retire rien dans les programmes des autres disciplines ET on n’allonge pas la journée des enseignants et des élèves. C’est comme si un ménage qui disposait de 1 000 CHF voyait régulièrement ses impôts augmenter et devait continuer à acheter la même quantité de denrées qu’auparavant. Dans le monde de l’entreprise, tout le monde sait que si l’on dépense plus d’un côté, on doit faire des économies d’échelle ailleurs. Dans le monde scolaire non, on peut augmenter les programmes sans augmenter le nombre d’heures et les enseignants doivent se débrouiller ! A quand une évaluation de faisabilité qui répond à la question : Y a-t-il assez de minutes, pour APPRENDRE (non enseigner) ce qui est dans les programmes ? Comme diraient mes amis québécois, cela n’a pas de bon sens !
Clé n°3 : Les « responsables » du système éducatif font-ils preuve de bon sens ?
Rarement ! Car chacun cherche à avoir une zone de pouvoir !
En Belgique, les enseignants se sentent balancés par chaque intervenant qu’ils rencontrent. Le programme dit « blanc », l’inspecteur dit « gris clair », le conseiller pédagogique dit « gris moyen », le directeur dit comme l’inspecteur tandis que le formateur dit « rouge ». L’enseignant s’appuie sur son expérience pour faire du « bleu ». Il me semble que le bon sens serait de se rencontrer et de se souvenir que le système éducatif est au service de l’élève. Comme dans un service hospitalier de qualité, ne faudrait-il pas que tous les acteurs se rassemblent régulièrement pour œuvrer dans une même direction ?
Clé n°4 : Les parents agissent-ils avec bon sens?
J’en doute… Pourquoi ?
Deux « réflexes » guident trop souvent leurs positions face aux décisions de l’Ecole. D’abord, ils défendent « bec et ongles » leur petit trésor, leur petit chéri ! Les élèves sont devenus des perles parfaites auxquelles personne ne peut rien dire. Ensuite, comme ils ont été des élèves auparavant, ils pensent qu’ils savent mieux que les professionnels actuels ce qu’il faut faire. Le métier d’enseignant, c’est le seul où tout le monde ferait mieux que la personne diplômée. STOP, un peu de bon sens SVP, les parents n’ont pas de diplôme pédagogique… S’ils peuvent s’occuper d’éducation, ils ne sont pas compétents pour intervenir dans le pédagogique !
Clé n°5 : Peut-on être enseignant et décider pour l’avenir des autres avec bon sens ?
C’est parfois TRES difficile pour certains…
A moins que le bon sens soit obtenu par les gènes, auquel cas je ne suis pas certain d’en avoir hérité, comment un individu qui est à l’Ecole depuis qu’il a 4 ans, qui n’est jamais sorti du « nid » Ecole, qui parfois travaille dans l’Ecole de son enfance, peut-il connaître la réalité du monde du travail et former quelqu’un au monde du travail ?
Comment peut-on préparer à la vie professionnelle
alors qu’on ne doit pas soi-même chercher du travail ou des clients ?
alors qu’on ne doit pas réparer des erreurs commises ?
alors qu’on ne doit pas budgétiser des projets ?
alors qu’on ne doit pas nécessairement travailler en équipes ou compter sur des collègues ?
alors que ….
J’espère que l’on me pardonnera les propos ci-dessus qui n’ont pas pour objectif de jeter l’opprobre mais bien que l’on se questionne à divers niveaux.
J’en viens au rapport de l’école avec les savoirs qui lui sont confiés. Je souhaite ici questionner l’absence de bon sens à propos de divers domaines après avoir clarifié deux concepts : ENSEIGNER et APPRENDRE.
Le premier « bon sens » serait que tous les enseignants distinguent vraiment l’enseignement de l’apprentissage car cela modifie en profondeur les rapports aux savoirs et aux élèves. Moi j’enseigne MAIS l’élève apprend. Il suffit de réfléchir à partir de la réalité pour voir qu’il n’y a rien de plus facile que d’enseigner MAIS que c’est bien plus difficile d’apprendre.
- En 2 minutes, je peux enseigner comment réussir en cuisine « une sauce mousseline » MAIS il faudra au moins 3 ou 4 essais de 20 minutes pour savoir si l’autre a appris.
- En 30 secondes, je peux montrer à un petit enfant comment faire ses lacets MAIS il lui faudra au moins 3 ou 4 essais de 5 minutes pour avoir appris.
- En 5 minutes, je peux oraliser une règle de grammaire et l’exemplifier MAIS combien de temps faudra-t-il à un apprenant pour l’automatiser dans ses écrits ?
- ….
Voici à présent 2 exemples de pratiques pédagogiques que je questionne…
Clé n°6 : Dans l’enseignement de la lecture, où est le bon sens?
A la maison, les enfants qui apprennent le mieux à parler sont ceux qui rencontrent un langage complexe et riche. Les parents, déjà autour du berceau, leur offrent des mots avec tous les sons, des phrases avec toutes les structures…
A l’école, on commence par des sons et des mots peu intéressants. On travaille des jours sur un son… On commence par étudier des mots… et après on s’étonne que cela ne marche pas ! Cherchez où est l’erreur ?
Clé n°7 : Dans l’enseignement des nombres, où est le bon sens ?
Dans la vie, les personnes communiquent entre elles avec des nombres accompagnés d’un « dénominateur ». Puis-je avoir 3 kilos d’abricots ? Pouvez-vous me mettre 2 paires de pantoufles ? Le meuble mesure 1,20 mètre. Notre famille se compose de 5 personnes, soit 2 adultes et 3 enfants.
A l’école, on voit les nombres sans dénomination et on se plaint que les mathématiques sont abstraites. En plus, quand je demande à un élève de 7-8H de me représenter le nombre 2,74, il en est incapable. Cherchez où est l’erreur ?
Les personnes qui m’ont déjà rencontré savent que je ne propose pas des dispositifs pédagogiques compliqués… j’essaie de proposer du « bon sens » ! C’est-à-dire des actions simples et efficaces au service de l’apprentissage car un enfant qui a bien appris deviendra un adulte autonome et heureux !
Belle année scolaire pleine de BON SENS !